P.S.: amness
amness, amnésie. D’amness, j’ai semble-t-il tout oublié, et pourtant. Et pourtant demeure palpable en moi la texture même de cet oubli, pareille à une moire, étoffe qui ondoie. Un détail, l’instant d’avant noyé dans l’ombre, soudain scintille. La courbure d’une nuque, la torsion d’un poignet, une ruade, une grimace. L’éclat d’une peau blanche, l’encre des cheveux. Ici une robe rouge, plus loin, plus tard, cette autre bleue, habillées ou plutôt habitées par deux femmes, fillettes tout aussi bien, fantômes, vieillardes virtuoses, trésors, enfants sauvages. L’une danse, l’autre lui répond. Parfois, elles s’ignorent, absentes l’une à l’autre, absentes à elles-mêmes également sans cesser d’être intensément présentes dans leur retrait. D’autres fois encore, elles dansent ensemble, unisson comme patiné par un principe chorégraphique de délicatesse, porté par un souffle d’autant plus bouleversant qu’il émane des saxophonistes qui se tiennent là, corps immenses blottis dans la musique de Bach. Monde allemand, monde flottant. Entre les deux, la rencontre a eu lieu, mais sur le plateau rien ne semble prémédité. De la pudeur, même s’ils se disent beaucoup, et c’est à nous, spectateurs, qu’ils le disent, ils nous le disent en face, liste de choses qui font battre le coeur, liste que tu t’empresseras d’oublier pour mieux ensuite te la remémorer.
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